Dis-moi quels réseaux sociaux tu utilises, je te dirais qui tu es. Aujourd’hui il est indéniable que les réseaux sociaux occupent une place prépondérante dans nos vies, tant chez les jeunes que chez les plus âgés. Depuis quelques années, l’offre de service de ce genre s’est complétée et diversifiée si bien que chacun peut y trouver son compte.
Durant l’année 2018, Snapchat a demandé à Murphy Research, une société californienne spécialisée dans l’étude de marchés et la communication, d’analyser les sentiments des utilisateurs des réseaux sociaux. La question “À quelle fréquence ressentez-vous chacune de ces émotions en utilisant […] ?” a ainsi été posée à un panel de mille cinq cent utilisateurs par réseau. Le résultat de l’enquête a été publié :
Voici donc les dix émotions les plus souvent ressenties par les utilisateurs de Snapchat, Twitter, Youtube, Instagram et Facebook selon cette étude. Il est assez commun de critiquer les ambiances des différents réseaux, Twitter serait le plus anxiogène, Instagram créateur de complexes tandis que Facebook quant à lui, serait le lieu de désinformation par excellence. D’un autre côté Twitter est comparable à un forum romain dans lequel le débat public est facilité, Instagram est une excellente plateforme de partage de créations surtout artistiques (en ce sens il se rapproche de Youtube) et Facebook, est le plus pratique pour garder contact avec ses proches. En s’inscrivant sur un réseau social on connaît globalement comment il fonctionne, voire quel genre d’utilisateurs on peut y trouver. Les défauts qui font mauvaise réputation sont sur le contrat quand on donne son adresse mail.
D’ailleurs est-ce vraiment à cause des réseaux eux-mêmes que les fils d’actualité sont si toxiques ? Est-ce la faute d’Instagram si de jeunes adolescentes perdent confiance en elles et se créent des complexes ? Le réseau propose un concept, une façon de fonctionner, unique et originale, ce qui le différencie des autres réseaux et cible un public particulier.
Par exemple sur Instagram les posts écrits ont difficilement leur place, c’est le concept du réseau, et en fonctionnant ainsi il cible principalement les photographes, dessinateurs et tous ceux qui s’intéressent à ces arts. Ainsi dans tous les cas, et bien au-delà des réseaux sociaux, ce sont les utilisateurs qui font le réseau, lui n’est que lignes de codes et algorithmes. En effet comme l’explique le sociologue Alain Degenne, “il ne faut pas confondre les outils de médiation et les réseaux eux-mêmes, […] ce qui est en jeu ce sont les pratiques et les relations qui se développent grâce à ces nouveaux outils.”.
Or, bien souvent, personne ne se limite à un seul réseau. La diversité des concepts des réseaux permet de s’exprimer différemment tout en restant soi-même, une sorte d’assurance d’intégrité dans l’acceptation de nos multiples facettes. Cette notion d’intégrité fut longtemps analysée par le biais de la construction identitaire par rapport aux autres. Sur les réseaux sociaux numériques la construction de soi et de son image est ambivalente et contradictoire : ce que l’on choisit de présenter sur notre profil (textes, images, vidéos, etc) est censé donner l’image la plus précise de soi-même, mais le but est toujours d’obtenir une réaction (A. Coutant dans la revue Hermès : “l’écriture de soi sur les profils vaut moins pour le déclaratif en lui-même que pour les réactions attendues de nos audiences.”). De plus ils se placent comme objets du quotidien avec lesquels nous devons constamment réécrire notre image, alors que selon Kauffman, les objets du quotidien sont là pour maintenir quelque chose de concret et de permanent, tout le contraire des flux constants et évoluant que constituent les réseaux sociaux numériques.
Mais ceci n’explique toujours pas les résultats de l’enquête de Murphy Research. Qu’est-ce qui, dans nos relations sur les réseaux socionumériques, diffère tant selon le support ? En 2008, Mizuko Ito (anthropologie culturelle) dirige le Digital Youth Project qui a pour ambition de décrire les utilisations des réseaux socionumériques par les jeunes. L’étude les regroupe sous deux catégories : les friendship-driven online activities et les interest-driven online activities. C’est à dire les activités motivées par la réunion avec ses amis, et les activités motivées par le regroupement autour de centres d’intérêts. Si on compare ses résultats aux fonctionnements des réseaux socionumériques de l’enquête, on peut penser que Snapchat encourage les friendship-driven online activities, que Youtube favorise les interest-driven online activities et que les trois autres sont assez neutres de ce côté (bien que Facebook penche un peu plus du côté friendship-driven online activities). Ceci explique assez bien les résultats de Snapchat et de Youtube : en discutant avec ses amis, on se sent léger et spontané, tandis que choisir le contenu qui nous intéresse le plus ne peut être que bénéfique. Cependant cette classification n’explique pas tout à fait les ambiguïtés des résultats de Facebook et d’Instagram, ni les sentiments si négatifs de Twitter.
Pour le cas Twitter, on parle plus souvent de réseau d’informations que de réseau socionumérique. Le site favorise en effet le partage d’informations journalistiques hétérogènes en temps réel, et de ce fait est un lieu privilégié pour les spécialistes de la veille (54% des usagers français de Twitter disent s’intéresser à l’actualité et à l’économie), et les utilisateurs adoptent en général deux postures : l’écoute ou l’action. Serait-ce donc la faute des médias qui ne publie que des nouvelles négatives ? Peut-être en partie, mais ce serait ignorer les nouvelles positives partagées et les 46% d’usagers français qui ne s’intéresse pas à l’actualité. Là encore, ce ne sont que des pistes généralistes.
Malgré mes recherches, je n’ai trouvé aucune étude permettant de donner des explications plus précises à ces résultats. Peut-être que l’étude est trop récente, ou bien peut-être est-elle infondée et complètement biaisée. Depuis l’année 2018, Snapchat connaît un déclin régulier. De moins en moins de personnes se connectent sur la plateforme. La principale cause étant Instagram, premier concurrent de Snapchat, et ses stories copiées sur le fantôme jaune, puis amenées à Facebook (qui possède Instagram). Mais bien qu’il soit son concurrent direct, Instagram a des résultats bien plus positifs que Twitter (encore) qui a priori n’est pas un rival de Snapchat. Les intérêts de Snapchat derrière cette étude sont donc moindres, mais ne fournissent toujours pas d’explications aux résultats.
Nous vous invitons donc à élaborer vos propres théories sur la question, basées sur votre perception subjective des réseaux sociaux et pourquoi pas, au final, en faire un tweet.