Au mois de mai le printemps est bien installé, la vie renaît après l’hiver et il est temps pour presque toutes les espèces vivantes de procréer pour assurer la survie de leur espèce pour que, de générations en générations, elle devienne la plus adaptée possible à son environnement. Ah ! l’amour, si délicat, si mystérieux, si envoûtant ! Loin de ces considérations biologiques l’espèce humaine, au sommet de son art, s’applique à se compliquer la tâche depuis les débuts de la civilisation, comme nous le montre le mythe chaotique (et grec) d’Éros et Antéros.
Dans une optique de clarté et de facilité, nous allons faire une petite digression courte mais importante. Dans le panthéon grec, Éros est présent deux fois, ou plutôt deux divinités portent le même nom. Éros c’est tout d’abord une divinité primordiale, l’une des premières divinités à être apparues. Mais chez les Grecs, le fils d’Aphrodite et Arès, respectivement déesse de l’amour et dieu de la guerre porte également ce nom. Cette divinité est plus connue sous son nom latin : Cupidon, le fameux petit garçon qui grâce à son arc et ses flèches fait naître l’amour entre deux êtres. Étant donné que les mythologies grecque et latine se ressemblent, nous nous permettons de garder la terminologie latine “Cupidon” pour parler de l’ange à l’arc, bien qu’il s’agisse en effet d’Éros, afin de le différencier de la divinité primordiale du même nom.
Si ce paragraphe était déjà difficile pour vous, tenez bon car la suite s’annonce être un peu plus floue…
Au début de toute mythologie, il y a le chaos. Pour les Grecs, du Chaos sont nées cinq divinités : Nyx (la nuit), Gaïa (la terre), l’Erèbe (les ténèbres), le Tartare (un genre de volcan prison) et celui qui nous intéresse, Éros (l’amour). Sans lui, tous les dieux n’auraient jamais vu le jour : c’est celui qui rapproche deux êtres, qui les unit et qui leur permet donc de procréer. S’il n’avait pas insufflé l’idée à ses frères et sœurs (que nous avons cités plus tôt) de s’unir, le panthéon que nous connaissons serait bien différent, sûrement moins grand et plus ordonné. Mais son pouvoir ne s’arrête pas aux dieux ni aux humains, il s’étend jusqu’aux animaux, végétaux, minéraux, liquides et fluides… Éros unit tout, son pouvoir est infini, plus grand que celui de Thanos !
Chaque héros a un némésis, et Éros ne déroge pas à la règle : il a pour rival Antéros, dont l’origine est méconnu voire inexistante, mais on attribue par commodité sa naissance aux dieux Aphrodite et Arès, ce qui ferait d’Antéros le frère de Cupidon. Grâce à des compétences élevées en étymologie, nous remarquons que le nom de ce dieux est composé de la racine “éros” mais aussi du préfixe “ant-” ayant pour signification “opposé à”. Antéros est donc le contraire d’Éros, le désamour, la répulsion. Son rôle n’est pas d’unir mais de désunir. Son pouvoir est aussi fort que celui d’Éros, il peut séparer toute chose. C’est un peu à cause de lui que Brad Pitt et Angelina Jolie ont divorcé… Mais son pouvoir n’est pas que néfaste car c’est lui qui empêche deux êtres de natures totalement opposées de s’unir. Grâce à lui, le monde ne retombe pas dans le chaos. Ensemble ils sont l’équilibre entre l’attraction et la répulsion, nécessaire au bon maintien de l’ordre du monde.
Une autre interprétation du nom d’Antéros vient bouleverser cette théorie, en effet le préfixe “ant-” pourrait tout aussi signifier “en retour”. C’est alors une autre dynamique qui se met en place : Éros serait le dieu de l’amour, et Antéros serait l’incarnation de l’amour réciproque ; celui qui confond les amants en un seul corps, celui que l’on espère, celui que l’on cherche car aimer c’est agréable, mais être aimé en retour c’est formidable ! D’ailleurs dans cette interprétation Antéros punit ceux qui se moquent de l’amour.
Ce mythe ne sera sûrement pas suffisant pour vous permettre de déclarer votre flamme à votre dulciné.e, mais vous serez au moins en mesure de le lui raconter. Il est temps de refermer le livre poussiéreux des mythologies, mais nous l’ouvrirons à nouveau, bientôt, pour un autre mythe.