Article rédigé par DANI Fatima, MARCELINE Eva, DULIO Emeline, ERRECARTE Zoé, LIÑÁN-JAÉN Laura
“Avec l’intelligence artificielle (IA), on invoque le démon”, met en garde Elon Musk. Selon le fondateur de SpaceX et Tesla, l’IA est un pas vers l’enfer. Mais, entre démon et créativité, où se niche réellement l’art ? Bienvenue dans le bal de la technologie et de la création.
IA pour Intelligence Artificielle. De ces deux lettres découlent des systèmes informatiques programmés pour effectuer des tâches imitant l’intelligence humaine. Si Oscar Wilde écrivait que “la pensée et le langage sont les instruments d’un art” en 1890, il semblerait qu’un ballet complexe se joue entre la créativité humaine et le code binaire. Et si l’IA et l’art formaient un duo de danseurs sur la scène de la créativité ? Au contraire, si dans l’ombre des projecteurs, l’artifice devenait l’antithèse même de l’art ?
L’IA, gloutonne de savoir
Imaginez l’IA comme une convive vorace, attablée au buffet de connaissances du grand bal de la technologie. Elle se délecte des petits fours d’images, ingurgite des milliers de données. Tel un fin gourmet travaillant la subtilité des saveurs, elle en extrait chaque information avec soin, compare, identifie les ingrédients, repère les similitudes et différences entre chaque bouchée de connaissance. L’IA digère peu à peu le concept de ce qui constitue une chose spécifique en enrichissant son palais de données pour mieux interpréter ce qui l’entoure.
Une fois rassasiée, l’IA se lance dans une performance artistique unique à grands coups de pinceaux sur toile blanche, comme le ferait l’artiste. Elle fusionne les éléments assimilés, y ajoute “sa touche” et crée ainsi une toute nouvelle œuvre. Au mieux l’IA est nourrie, au plus son œuvre est harmonieuse. Dans son univers, rien n’existe en dehors des informations qui la constituent. Mais à partir de ce qu’elle connaît, elle déploie un monde d’expression infini.
L’art, cette Diva
Dans le traditionnel bal de la créativité, l’art se présente comme une diva réservée au génie humain. Gardons à l’esprit que la conception de l’art est une notion propre à chaque culture, loin d’être universelle ou innée. Nouvellement séduite par les avancées technologiques, l’art et l’IA se dressent en partenaires sur la piste. Leur danse suscite cependant une pluie de questions sur la nature même de l’art, les processus créatifs et la valeur artistique.
Comme nous pouvons le constater avec la controverse entourant le “Belamy”, un portrait généré par l’algorithme GANs vendu aux enchères en 2018, ou encore avec l’oeuvre “Théâtre d’Opéra Spatial” réalisée en 2022 de Midjournay par Jason Allen, lauréat des Arts Digital Fair Story Colorado, la relation qui se noue entre l’IA et l’art est tumultueuse. Chaque pas de cette danse soulève des questions sur l’authenticité et l’essence de la créativité.
Des préoccupations éthiques aussi vives que des éclats de lustres
La technologie GANs par exemple, suscite des inquiétudes quant à leur utilisation pour créer des deepfakes (productions audio-visuelles détournées représentant individus et situations). Au centre des controverses ? La préoccupation de l’origine de l’œuvre, de l’identité de l’artiste, humain ou machine.
Dans cette valse d’interrogations où les pas se heurtent aux enjeux éthiques, deux obstacles majeurs surgissent au moment de la définition de l’IA comme oeuvre d’esprit : d’abord la notion traditionnelle de création artistique, teintée de conscience et de maîtrise intellectuelle, écarte, non sans désinvolture, les prétentions du code binaire. L’exigence d’originalité s’impose par la suite, inhérente à la personnalité de l’auteur, ce qui la rend particulièrement difficile à concilier avec l’IA.
Les préoccupations s’invitent comme des invités non désirés. Les algorithmes, porteurs de biais, répètent les stéréotypes socio-culturels. Les défis écologiques surgissent également face à la montagne de ressources informatiques requise pour l’entraînement de l’IA. Nous assistons alors à une danse où chaque mouvement suscite plus d’inquiétudes que de réponses.
Renouveler l’art ?
Au cœur du bal, un nouveau danseur s’invite sur la piste : le concept d’art génératif, un convive découvert lors de la conférence de Milan en 1998. A la manière d’un invité fauteur de troubles, il remue les conversations autour des tables, questionnant les règles établies du jeu artistique. Philip Galanter et Celestino Soddu, pionniers de l’art et du design génératif, définissent cette nouvelle figure comme un art qui émerge non seulement des mains des artistes, mais également des algorithmes et des processus génératifs. Dans ce ballet rocambolesque, il invite les convives à repenser les contours de la création artistique.
Un exemple frappant est la campagne printemps-été 2024 de la marque de prêt-à-porter Etro, qui a su tirer parti de l’intelligence artificielle pour créer des visuels saisissants et créatifs. En collaboration avec la photographe Silvia Badalotti, spécialisée dans l’utilisation de l’IA pour la création d’images, Etro met en lumière l’essor significatif de cette technologie dans le domaine artistique. Cette initiative met en avant le rôle essentiel d’une nouvelle génération d’artistes, qui intègrent harmonieusement l’art traditionnel aux nouvelles technologies.
Fin du bal, l’IA au tribunal !
Face à la justice, l’IA se retrouve dans les filets de la réglementation. Comme nous l’avons mentionné, sa capacité à générer des créations artistiques soulève une pléthore de questions éthiques et juridiques. En 2017, le parlement européen suggère la définition de critères visant à protéger légalement les œuvres créées par des IA. Il est alors crucial que l’IA reste un simple outil de création et non une entité autonome. Une telle autonomie dans la génération de l’œuvre rendrait l’identification de l’auteur complexe, ce qui sèmerait le trouble au sein du système juridique.
A titre d’exemple, en mars 2022, le Bureau des brevets américains a une nouvelle fois rejeté une demande de droit d’auteur pour une création artistique issue d’une IA. La raison invoquée ? L’image produite n’exprimait pas clairement une « paternité humaine », nécessaire pour étayer la demande de droit d’auteur. Les juges ont conclu qu’il n’y avait aucune trace évidente d’une « démarche créative ou d’une intervention humaine » dans le processus de création.
Précarisation du métier d’artiste, non-respect des droits d’auteurs et absence totale de dédommagement, de plus en plus de créateurs déplorent le manque de mise à jour quant aux droits de propriété intellectuelle face à l’IA. Preuve en est : la multiplication des procès de créateurs à l’encontre de l’IA – dont G.R.R Martin, auteur de la saga Game of Thrones par exemple.
Pourtant, en octobre 2020, le Parlement européen a pris une résolution concernant les droits de propriété intellectuelle liés aux technologies de l’IA, appelant ainsi la Commission à examiner cette question. Cette décision soulève des interrogations sur la considération politique quant à la nécessité d’adapter le droit d’auteur aux créations produites par des IA. À l’heure actuelle, l’Union européenne met l’accent sur la sécurisation des usages de l’IA et propose le règlement AI Act, tout en envisageant une éventuelle adaptation du droit de la responsabilité pour faire face aux risques associés à l’utilisation de l’IA. L’évolution de la législation sur la propriété intellectuelle reste donc un sujet à surveiller.