Confinements et fermeture des établissements culturels : quel impact sur les artistes ?

Nous l’évoquions déjà l’année dernière, la crise sanitaire a mis à mal le secteur de la culture en obligeant les établissements à fermer leurs portes aux publics et à envisager de nouvelles méthodes de médiation, comme avec les initiatives avec #Culturecheznous ou l’utilisation plus poussée du numérique.

Mercredi 16 décembre 2020, nous participions à la conférence de presse organisée par l’association Jets d’encre à propos des adaptations mises en place par les acteur-rices culturel-les, avec la participation d’Olga Khokhlova, tête d’affiche du Moulin Rouge, et Perrine Laurent, agent artistique à RSB Artists, agence spécialisée dans la représentation de chanteur-euses lyriques et chef-fes d’orchestre.

Des confinements impactant les méthodes de travail

Les confinements, notamment le 1er, ont impacté la vie de beaucoup de gens : qu’iels soient étudiant-es, employé-es, intermittent-es, tout le monde a dû adapter tant bien que mal sa façon de travailler pour respecter au mieux le travail de chez-soi.

Or, comment faire quand son outil de travail est son corps et qu’on ne peut plus accéder aux salles de sports ou aux cours de chant ? Pas si facile de penser la reprise quand on n’a pas de visibilité sur la date de réouverture des établissements culturels. Comme tout le monde, les artistes se sont plié-es à la règle et ont été amené-es à s’entraîner chez soi tant bien que mal car un arrêt total rendrait la reprise encore plus difficile (un peu comme un retour de grandes vacances où on ne sait plus écrire, mais en pire).

https://www.youtube.com/watch?v=xsfuC42Q9cA

Pour Olga Khokhlova, la reprise risque d’être compliquée car cela revient à repartir de 0. En effet, passer d’un rythme de travail très soutenu avec 6 jours sur 7 de représentations et des répétitions les après-midis à un arrêt forcé de plus de trois mois (qui n’arrive jamais en règle générale dans la vie d’un-e artiste, sauf en cas d’empêchement majeur ou de blessure grave) impliquera un gros investissement pour retrouver son niveau d’avant confinement. Les artistes vont vivre la reprise comme s’il s’agissait de leur premier jour, mais comme Perrine Laurent et Olga Khokhlova le soulignent, ce sera un bon moment car la scène est une passion et remonter dessus face à un public sera un soulagement.

Si, comme nous venons de le voir, les confinements n’ont pas été de tout repos pour les artistes aussi bien physiquement que moralement, ce temps passé chez soi a permis à beaucoup d’entre elleux de faire de la méditation pour rester positif-ves, travailler sur des projets futurs ou encore penser le « après la scène ». Ainsi, dans leur malheur, les artistes ont eu la chance de pouvoir prendre du temps qu’iels n’avaient pas en temps normal pour créer et se connaître elleux-même.

La place du numérique dans le secteur culturel

Avec les confinements, les établissements de culture ont dû s’adapter et franchir le pas, parfois brutalement, du numérique. Beaucoup d’artistes et d’établissements se sont tournés vers le format vidéo pour garder contact avec leurs publics, comme le montre l’initiative de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse qui organise régulièrement des directs sur leur chaîne YouTube et leur page Facebook.

Si cet usage s’est essentiellement fait en guise de compensation et de réaction face à un imprévu, il est toutefois important de réfléchir à la place du numérique dans la culture. En effet, comme Perrine Laurent l’a souligné, le numérique reste, à ce jour, une solution à court terme pour les établissements de culture car une représentation en ligne n’a pas le même impact qu’un spectacle sur scène avec un vrai public (aussi bien pour le public que pour les artistes qui performent en face d’une salle vide) et soulève la question de la rémunération du streaming, aussi bien pour les artistes que les technicien-nes.

Pourtant, tout n’est pas mauvais dans le numérique puisqu’il joue un rôle important dans la conception de culture moderne en permettant de démocratiser la culture. Toutefois, il est nécessaire de prendre du recul et ne pas tomber dans le déterminisme technologique : comme pour tout canal de communication, le numérique reste un outil et non pas une solution. Si les confinements ont forcé la main aux établissements culturels quant à l’utilisation du numérique, ils ont permis d’avancer rapidement sur les problématiques d’accès à la culture, de démocratisation de la culture ou encore des nouveaux modes de diffusion.

Il est toutefois important de réfléchir à la rémunération en ligne car les financeur-euses utilisent l’argent de la « publicité » et du gain de visibilité pour ne pas payer les artistes et technicien-nes. Il faudrait donc revoir totalement le système pour permettre aux artistes d’en vivre, que les représentations en ligne puissent devenir une source de revenu.

La culture, essentielle ou non ?

Après les annonces concernant l’ouverture des établissements essentiels, on peut se questionner sur la place et l’importance de la culture dans nos sociétés. De nos jours, tout est sous le joug de la culture, que ce soient les conflits, les goûts ou les pratiques des individus, tout serait lié à notre culture et nos méthodes d’acculturation.

Si, selon Perrine Laurent et Olga Khokhlova, la culture permet de s’ouvrir au monde et d’ouvrir son esprit tout en permettant de s’exprimer pleinement, la culture a également un rôle qu’on pourrait qualifier de démocratique. En effet, tout comme les médias permettent le partage de valeurs communes au sein d’une société, la culture, dans ses différentes formes d’expression, permet de transmettre, à travers une politique de démocratisation de la culture, des références communes et une vision du monde plus ou moins partagée par les individus d’une société donnée.

Ainsi, si on considère la culture à travers ce prisme, il est aberrant d’envisager la culture comme « non essentielle » puisqu’elle est au fondement des sociétés. Comme Olga Khokhlova et Perrine Laurent le suggèrent, considérons qu’il s’agit d’une erreur communicationnelle et d’un mauvais choix de mots… car considérer qu’une partie de la population n’est pas essentielle, ou que la culture n’est pas essentielle est problématique.

Alors, en attendant la réouverture des établissements culturels, n’hésitez pas à suivre leurs actualités sur leurs réseaux… à défaut de pouvoir voir (ou écouter) en vrai, vous pourrez peut-être les soutenir en profitant des alternatives mises en place en ligne !

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