L’enseignement aux médias, entre nécessité et réalité

Cet article a été rédigé par Antoine Palosse, Maxime Valery, Justine Choux, Juliette Sanchez-Porro

« L’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI) c’est une initiative super louable mais qui se heurte à une rigidité administrative.» Mme Gobier, documentaliste au lycée Léon Blum à Villefranche de Lauragais. 

Concernant l’éducation aux médias et à l’information, “L’enjeu est énorme pour moi parce que déjà on se rend compte qu’avec les réseaux sociaux, ce n’est plus le manque d’informations qui pose problème, c’est le trop-plein d’informations. L’enjeu démocratique il est fondamental car les élèves n’ont pas les codes pour décrypter tout ce contenu. Ce trop plein d’informations rend floue la limite entre l’info et l’opinion et il devient difficile de discerner le vrai du faux”, assure Guillaume Porras, professeur d’histoire-géographie au collège Jules Ferry à Villefranche de Lauragais. “Le vrai problème avec Tik Tok par exemple, c’est un enchaînement de vidéos de quelques secondes sans contextes ni réelles informations.” ajoute-t-il. 

Aujourd’hui, être capable de naviguer à travers ce flot d’informations est devenu une compétence indispensable. Dans ce contexte, l’éducation aux médias émerge comme un pilier fondamental de l’éducation contemporaine, essentielle pour préparer les individus à s’engager de manière critique et constructive dans le monde qui les entoure. L’école, en tant qu’institution chargée de former les citoyens de demain, joue un rôle central dans cette mission. 

L’EMI c’est quoi ?

L’éducation aux Médias et à l’Information apparaît pour la première fois dans le socle commun de connaissances en 2006, puis dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013. C’est le CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information) qui est chargé de l’éducation aux médias dans l’ensemble du système éducatif, depuis sa création en 1983. Éduscol explique que “Par l’éducation aux médias et à l’information (EMI), les élèves apprennent à devenir des citoyens responsables dans une société marquée par la multiplication et l’accélération des flux d’information.”

Aujourd’hui, c’est 8 millions d’euros qui sont consacrés à l’éducation à l’image, aux médias et à l’information. Malgré une augmentation de budget, et un développement depuis plus de 15 ans, cet enseignement est toujours en cours de généralisation.

« Tu t’arraches les cheveux […] et puis tu emmerdes tes collègues »

Dans la théorie, chaque élève est sensibilisé aux médias dès l’école maternelle. Mais dans la pratique, les dispositifs mis en place diffèrent considérablement de ceux annoncés dans les textes.

Dans la circulaire du 24 janvier 2022, le gouvernement affiche son ambition de « favoriser la généralisation de l’EMI à travers la mobilisation des enseignants de toutes disciplines, ainsi que celle du personnel d’encadrement (chefs d’établissement, corps d’inspection) ». Cependant, dans la réalité, la mise en place de cette initiative est bien plus complexe. Les enseignants référents (dans la plupart des cas, les professeurs documentalistes) doivent proposer une mise en œuvre de l’EMI, accompagné par le guide du CLEMI. Cependant les professeurs référents sont supposés s’entretenir régulièrement avec l’ensemble du corps enseignant pour faire un état des lieux du temps consacré à l’EMI, ainsi que les sujets abordés pour pouvoir faire remonter ces informations. Il est donc nécessaire pour chaque enseignant de consacrer un certain nombre d’heures à cette matière au sein de son programme. D’après Mme Gobier, « Moi, ça me prend un peu la tête, ce discours-là. Mais il y a des tas de documentalistes qui font le job, qui ont tenté de le faire. […] Tu t’arraches les cheveux […] et puis tu emmerdes tes collègues ».

Des actions engagées mais qui montrent des disparités

Malgré une mise en place complexe, le gouvernement annonce dans cette circulaire le lancement d’un nouvel enseignement obligatoire pour les élèves de seconde générale, “Sciences numériques et technologies”, qui permet justement d’avoir “un nouveau cadre propice à l’EMI.” Cet enseignement est également accompagné d’autres actions éducatives, comme la Semaine de la presse et des médias dans l’École. Depuis 1990, cette opération qui se déroule chaque année permet aux élèves de « découvrir les médias d’actualité dans leur diversité et leur pluralisme et d’échanger avec des professionnels de l’information ». Cependant, on comptabilise 21 990 établissements partenaires pour la 34e édition, alors qu’en France en 2021, on compte 59 650 écoles et établissements dans le second degré. Il est clair que le dispositif ne rencontre pas le succès attendu, et que le CLEMI va devoir adapter sa formule pour toucher plus efficacement les élèves.